mardi 30 novembre 2010

Les services secrets chinois - Roger Faligot

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Mardi, 30 Novembre 2010 | Écrit par L'équipe Scripto |  
Notes sur oeuvres - Géopolitique

Un des avantages d’être une colonie de l’Empire OTAN, c’est qu’on peut s’attendre à avoir une information un peu moins mauvaise sur l’Empire Chinois. Un peu moins mauvaise, en tout cas, que si l’on était… chinois.

Ce n’est certes pas demain la veille qu’on verra paraître en France, dans les grandes librairies, un ouvrage aussi approfondi que « Les services secrets chinois », mais consacré, celui-là, par exemple à l’action du MOSSAD en France, ou au verrouillage de l’appareil d’Etat US par les réseaux de la CIA (ne parlons pas de l’action de la DCRI ou de la DGSE).
Et on ne s’en étonnera pas…

Cela dit, ce constat amère n’enlève rien à la nécessité de se documenter. « Les services secrets chinois » de Roger Faligot fait partie de cette rafale de livres qui viennent d’atterrir dans nos librairies pour nous informer que, ô surprise, le véritable adversaire de l’Occident, à l’échelle géostratégique, n’est pas constitué par une bande d’improbables djihadistes explosifs, mais par l’autre superpuissance économique, à savoir la Chine. On fera donc le tri entre ce qui relève de la propagande anti-chinoise et ce qui relève de l’information, on se préoccupera surtout des évènements récents, on zappera l’histoire des services chinois sous Mao, et c’est parti pour une note de lecture !


*

En décembre 1989, peu de temps après l’écrasement de Tian Anmen, Deng Xiaoping donne ses consignes à ses successeurs : « observer et analyser froidement, dissimuler nos véritables capacités ». En d’autres  termes : en savoir le plus possible sur l’adversaire ou le partenaire, et faire en sorte que de son côté, il en sache le moins possible. La gestion du renseignement est au cœur de la stratégie chinoise. Ce n’est pas un simple outil de la politique étrangère, c’en est une composante intégrée.

Il faut dire que les services  secrets du PCC sont nés en même temps que lui. La police de la concession française de Shanghai avait débarqué par surprise à la réunion fondatrice du mouvement en 1921. Aussitôt, le PCC, à peine constitué, organisa un service de renseignement pour débusquer le traître qui avait dévoilé aux autorités le lieu de l’évènement. L’enquête du camarade Luo Yinong, formé par les soviétiques, révéla que la police française avait pris en filature quelques envoyés du Komintern, à leur arrivée à Shanghai. Parmi eux, le monde est petit, un jeune Français alors inconnu : Jacques Doriot.

Entre les deux guerres, les services du PCC vont s’étoffer progressivement, dans l’ombre des « résidences » mises en place méthodiquement par la Guépéou soviétique. Tandis que le PCC aide les soviétiques à espionner la Chine en ébullition, ceux-ci fournissent aux jeunes services chinois le support logistique et le réseau pour expédier des agents à l’étranger, pour faire de l’agitation et, en même temps, apprendre. Parmi ces expatriés, on relève un jeune « Hakka », c'est-à-dire le ressortissant d’une minorité ethnique au sein de l’Empire Chinois. Il est affecté à Paris, où il infiltre la Diaspora chinoise pour le compte de ses patrons (de Chine et de Russie). Son nom est Deng Xiaoping, mais pour l’instant, on le surnomme « monsieur Ronéo », car il passe ses soirées à tirer des revues subversives  ronéotypées. Il croise parfois, chez ses amis du PCF, un Vietnamien souriant, un certain Ho-Chi-Minh, ou encore un autre Chinois, au port aristocratique caractéristique de la culture mandarinale, un certain Zhou Enlai. Là, en France, comme d’ailleurs un peu partout à travers l’Occident, les futures élites de la révolution asiatique apprennent à fusionner leur héritage stratégique chinois avec les innovations occidentales. Et ces élites sont, par la force des choses dans toute action clandestine, initiées à la politique sous l’angle du travail de renseignement.

Les réseaux secrets du PCC s’appuient alors beaucoup sur la minorité Hakka. Il est intéressant de connaître, dans ses grandes lignes, l’histoire de ce petit peuple, membre de la grande famille Han, obligé de se réfugier au sud de l’Empire du Milieu, il y a des siècles, pour fuir les guerres du nord. Déshérités de la Chine, ces « Hakkas » ont développé des habitudes, des capacités, une aptitude générale à la survie sans base territoriale stable, qui ne sont pas sans rappeler les caractéristiques des Juifs ashkénazes en Europe (jusque dans leurs liens structurels avec une société secrète dite des « Grands Frères », la Gelaohui, qui fonctionne par imbrication entre mystique et action). Leur utilisation par les services chinois démontre que le rôle particulier des milieux ashkénazes dans l’histoire des mouvements révolutionnaires ne tient pas à une spécificité juive : elle est d’abord la conséquence d’une isomorphie entre les  aptitudes qu’imposent le nomadisme et les exigences de l’action clandestine.

Les services secrets du PCC se sont formés progressivement, à travers les années de lutte, de 1921 à 1949, constamment sur deux fronts : le front intérieur, où ils apprennent les techniques de l’espionnage (surtout militaire), de l’infiltration (des milliers d’agents du PCC furent « injectés » dans l’appareil du Kuomintang et parmi les informateurs de la police), de la contre-infiltration (exécution systématique des traîtres) et de l’action directe (service action particulièrement violent, utilisé à des fins terroristes), contre les impérialistes occidentaux ou japonais et contre le Kuomintang… mais aussi un front extérieur, où ces services développent des stratégies d’influence méthodique sur les communautés chinoises (surtout à des fins de renseignement non militaire).

Les services secrets du PCC constituent donc un « fait nouveau » dans l’histoire de la Chine : un appareil qui n’est pas spécifiquement centré sur l’Empire du Milieu, mais possède, comme aptitude native, une capacité de projection hors frontières. Cet aspect de leur histoire est essentiel pour comprendre leur efficacité présente : ils sont la synthèse entre vision chinoise et vision occidentale – en quoi on peut supposer qu’ils sont potentiellement plus souples et réactifs que leurs adversaires, en général plus mono-culturels.

Une autre caractéristique des services secrets chinois résulte de leur naissance dans les années de lutte : formés à une époque où le PCC grandissait très vite sans pouvoir vraiment contrôler les adhésions, ils devaient, pour éviter les infiltrations, définir un corps particulier dans cet ensemble. Il en est résulté qu’ils se sont en pratique organisés progressivement comme une sorte de secte à l’intérieur du PCC, ayant très peu de liens avec le reste de la structure. Dans ces conditions, étant donné la forte proportion de dirigeants qui sortent de leurs rangs, on peut un peu les voir à la fois comme des services secrets classiques, et aussi comme une sorte de « Parti intérieur », sur le modèle de l’opposition « Parti intérieur / Parti extérieur » proposée par Orwell dans 1984.

On remarquera, à ce propos, que la « contre-infiltration » donne aux services secrets chinois un pouvoir énorme sur tout l’appareil du Parti : de nombreux cadres de ces services ont participé, au moment des « procès de Moscou », à l’épuration anti-trotskiste de Staline. La leçon fut bien apprise, comme l’histoire du maoïsme le démontra : un des maîtres des services secrets chinois sous Mao, Kang Sheng, importa dans le PCC la technique stalinienne des « quotas de traîtres », visant à épurer le Parti régulièrement, sur la base d’une « proportion supposée » de « déviationnistes ». On peut estimer qu’au fond, Mao, pendant une grande partie de son « règne », ne fut que la marionnette des services secrets du PCC.
Etudier les services secrets chinois, c’est probablement étudier le vrai pouvoir à Pékin.

*

Et aujourd’hui, où en sont les services secrets chinois ?
Quand Deng Xiaoping parvient au pouvoir, en 1978, il commence par réorganiser les services secrets. Pour cela, il conduit une sorte de déstalinisation à la Chinoise, qui épargne la figure tutélaire de Mao (pour ne pas fragiliser l’image du Parti dans les masses populaires) mais écrase les héritiers de Kang Sheng. C’est un peu comme si Khrouchtchev avait fait liquider Beria sans condamner le culte de la personnalité. Deng sait parfaitement ce qu’il fait : pour venir lui-même du sérail des services secrets, il en connaît la puissance. Il sait qu’il suffit de se rendre maître de cette citadelle-là, pour conquérir tout l’Empire.

A la différence de Mao (un Néron déguisé en César), Deng est un authentique visionnaire et, indiscutablement, un des  plus grands hommes de l’histoire chinoise. Il désosse méthodiquement les services secrets du PCC, ne leur laissant qu’un travail de surveillance politique mineur, et réaménage les éléments qu’il en a sortis pour fabriquer une grande agence d’espionnage aux méthodes modernisées. Le modèle en est le KGB, et le nom du service, « Guoanbu », est d’ailleurs l’acronyme de « ministère de la sécurité d’Etat » (tout comme KGB est l’acronyme de « comité de la sécurité d’Etat »). Le cœur de son travail : renseignement extérieur et contre-espionnage. La surveillance de la population dans une perspective idéologique passe au second plan, puis disparaît presque.

Voici l’organisation mise en place sous Deng, et qui est semble-t-il encore en place aujourd’hui, à quelques nuances près (certains bureaux ont été divisés, d’autres ont changé de numéro) :
Le 1er Bureau s’occupe de la sécurité intérieure. C’est un service de contre-espionnage au sens large, disposant de sa propre police, et même de ses propres camps au sein du Lao Gai. Il ne s’occupe pas des questions de conformité idéologique, mais du démantèlement des réseaux d’espions une fois ceux-ci détectés par le 6ème Bureau. Il est vrai que dans un pays comme la Chine, la frontière est parfois poreuse entre déviation idéologique et trahison…

Le 2ème Bureau s’occupe du renseignement à l’étranger. Il fait un travail assez comparable à celui de la CIA, de la DGSE ou du FSB. En France, il est particulièrement actif dans l’étude des réseaux d’influence vers l’Afrique francophone (la cible numéro un de Pékin).

Le 3ème Bureau s’occupe de l’infiltration dans les zones visées par l’expansion chinoise (Taïwan en premier lieu). Son travail fut en grande partie à l’origine de la rétrocession bien conduite de Hong Kong : quand elle eut lieu, pour l’essentiel, le scénario avait été pré-cadré avec des élites locales déjà sous influence.

Le 4ème Bureau s’occupe de la technologie. Il assure la logistique des autres bureaux.

Le 5ème Bureau contrôle le renseignement local. Il doublonne en partie avec le 6ème et le 1er, mais le doublonnage des fonctions est une des règles de l’espionnage, et surtout du contre-espionnage.

Le 7ème Bureau se charge des opérations spéciales (surveillances, action directe). Il travaille sur requête des autres bureaux. C’est l’équivalent du Service Actions de la DGSE.

Le 8ème Bureau se charge de la recherche au sens large, en grande partie à partir de sources ouvertes. C’est une cellule de veille.

Le 9ème Bureau est chargé de la contre-infiltration. C’est la police interne du Guoanbu.

Le 10ème Bureau assure la « recherche de l’information scientifique et technique ». En clair, il est spécialisé dans l’espionnage industriel (LA priorité de la Chine depuis quelques décennies).

Le 11ème Bureau gère le parc informatique, le déploie et le sécurise (une fonction évidemment de plus en plus cruciale). Il est aussi chargé du travail de recoupement des sources informatiques. Fait peu connu, il doit son organisation générale et ses techniques dans ce domaine à une coopération avec la République Fédérale d’Allemagne (qui, dans le cadre d’un accord, transmit au 11ème Bureau des services chinois le savoir-faire acquis lors de la traque des membres de la Rote Armee Fraktion, d’inspiration maoïste – l’histoire est parfois franchement ironique).

Enfin, un « Bureau des  affaires étrangères » est chargé des relations avec les autres services de renseignements équivalents, dans les pays étrangers (alliés ou ennemis). Une des forces des services chinois est leur grande aptitude à construire des partenariats fluides.

*

Cette organisation est, comme le démontre Roger Faligot, l’épine dorsale du pouvoir chinois contemporain.

1989 : Tian Anmen. Tout le monde se souvient des images de l’écrasement de la « commune étudiante » par les chars. Ce qu’on sait moins, parce qu’il n’y eut pas d’images, c’est que des unités de l’Armée Populaire se sont, à ce moment-là, combattues mutuellement. Certains régiments pékinois refusèrent de laisser les troupes amenées de province écraser les étudiants. Et ce sont en partie les services secrets, par leur action déterminée et précise, qui permirent la mise au pas des troupes récalcitrantes. On sait moins, également, que la Sécurité d’Etat avait repéré des agents de la CIA conduisant, auprès des étudiants pékinois, des opérations de « renseignement agressif » (en clair : des manipulations). Et on se doute que ce repérage n’a pas été pour rien dans l’écrasement final du mouvement (depuis cette date, les services chinois, instruits par l’expérience, étudient sans relâche les opérations de déstabilisation commanditées par leurs adversaires ; on sait par exemple qu’ils ont collecté une masse d’information considérable sur la « révolution orange » ukrainienne, et remonté la piste de ses bailleurs de fonds).

Revenons à Tien Anmen. En somme, Deng avait fait le bon pari : qui tient le Guoanbu, tient la Chine. Deng en tirera aussi toutes  les conclusions à l’heure de s’en aller : c’est un des maîtres des services secrets qui, au moment décisif de 1989, juste avant de faire « ce qu’il fallait », lui signala Jiang Zemin comme un « homme sûr ». En quittant le pouvoir, Deng fera donc de Jiang son successeur – un homme en réalité choisi par les services secrets, et qui pourrait compter sur leur loyauté. Pour assurer l’intérim, pendant quelques temps, entre Deng et Jiang, le PCC aura un secrétaire général « de transition ». Son nom ? Qiao Shi. Son ancienne fonction ? Chef des services spéciaux.
La stabilité de l’Empire chinois ? Voilà à quoi elle tient.

*

Sous Jiang Zemin, l’organisation du Guonbu n’est pas fondamentalement modifiée, même si l’organigramme se détaille (passage à 18 bureaux). Surtout, les services chinois se technicisent, se développent et se tournent massivement vers l’espionnage industriel. Des sections de recherche spécialisées par zone géographique sont constituées. Le Guonbu de Jiang Zemin modifie ainsi progressivement son orientation : le contre-espionnage reste fort, mais l’espionnage devient plus fort que lui. C’est, désormais, un service mondialisé et technicisé, à l’image de la CIA. Le modèle KGB s’éloigne.

Instruit par l’expérience de Deng, Jiang veille tout particulièrement à conserver la mainmise sur les services secrets. Qiao Shi est progressivement marginalisé : le Guonbu peut faire l’Empereur, mais il ne peut pas être l'Empereur. En interne, Jiang utilise les « services » pour accroître la répression contre toute dissidence, au fur et à mesure qu’il promeut par ailleurs une ouverture (très contrôlée) en vue d’accélérer le développement économique.

Le niveau d’information acquis par la Sécurité d’Etat chinoise est, à partir de la fin des années Jiang, comparable à celui des autres grandes centrales de renseignement. Quand l’ambassade de Chine à Belgrade est bombardée, Clinton finit (après moult difficultés) par avoir Jiang au téléphone. Celui-ci lui confirme qu’il ne croit pas le président US responsable, et pense que « des gens », au sein de la CIA ou du Pentagone, ont délibérément provoqué le bombardement pour tenter de bloquer le développement des relations USA-Chine.

Simple hypothèse gratuite ? En interne, il semble bien que le Guonbu ait indiqué à Jiang de quoi il retournait : on relèvera à ce propos que l’aile de l’ambassade pulvérisée est celle où se trouvait le bureau d’un attaché militaire chinois auprès de l’armée serbe. Un attaché militaire qui travaillait efficacement pour aider le régime Milosevic, allant jusqu’à autoriser les Serbes à utiliser le matériel de l’ambassade de Chine pour leurs propres transmissions militaires. Il est vrai qu’il est aussi possible que le Guonbu ait fabriqué son dossier, afin de justifier un accroissement de ses propres moyens....
En tout cas, nous vivons une époque où les dirigeants des deux plus grandes puissances du monde en sont réduits à compter sur leur homologue pour être renseignés sur leur propre agence de renseignement.

Sous Jiang, puis sous Hu Jintao, le Guonbu développe énormément ses capacités en matière d’espionnage industriel et technologique. Pour les seuls USA et Canada, le FBI estime que Pékin possède un réseau de 2.000 fonctionnaires, officiels et journalistes, chargés de recueillir du renseignement en zone blanche (information ouverte) ou grise (information confidentielle récupérable par des voies légales). Sur les milliers d’étudiants chinois présents sur le sol US (souvent des « princes rouges », c'est-à-dire des enfants de cadre du Parti), une proportion non négligeable est chargée de recueillir des informations (en particulier dans les laboratoires de recherche où ils sont amenés à faire des stages). En France, l’affaire Huang Lili (étudiante probablement chargée d’espionner industriellement Valeo) a donné une bonne illustration de ce phénomène.

A cela s’ajoutent les « poissons des profondeurs » (terminologie chinoise), c'est-à-dire les agents clandestins chargés d’opérations spéciales (pénétration clandestine dans des lieux sécurisés, piratage informatique, etc.). Pékin possède dans ce domaine un réseau d’espionnage de premier ordre. Probablement, seuls le FSB et le MOSSAD ont de tels moyens d’infiltration. En comparaison, la DGSE et le BND font piètre figure.

Cela dit, l’arme principale en matière d’espionnage technologique reste le système des joint-ventures. Le Guonbu est passé maître dans l’art de « mettre la pression » à des cadres étrangers, pour qu’ils transfèrent des technologies dans un cadre illégal, à la faveur de transferts légaux. Le dispositif s’accompagne souvent d’offres de financement parallèle (une technique employée aussi dans un cadre plus politique, avec le financement discret de politiciens, aux USA en particulier). La Chine ne possède pas seulement une Diaspora immense, des Zones Economiques Spéciales qui fonctionnent comme des filtres à technologie : elle peut aussi compter sur des ressources financières gigantesques. Là encore, on peut remarquer que son influence aux USA vient curieusement percuter celle des réseaux pro-Israël, jusque sur leur terrain de prédilection.

Enfin, l’Internet est progressivement devenu un des principaux terrains d’action des services chinois. Ils ont participé à l’élaboration de la Grande Muraille qui protège l’Internet chinois, surveillent les utilisateurs (le Guonbu laisse des sites dissidents accessibles… pour repérer ceux qui s’y connectent) et filtrent les informations qui peuvent venir de l’étranger. Les services chinois semblent aussi coordonner, en partie du moins, les attaques conduites par les hackers chinois (parmi les meilleurs du monde), attaques qui visent en priorité des sites gouvernementaux et les ordinateurs personnels de fonctionnaires ou cadres étrangers. Les services chinois se sont par ailleurs saisis de la technologie Internet pour sécuriser leurs communications : se sachant écoutés par le réseau anglo-saxon Echelon (station australienne d’Alice Spring), ils ont développés leurs propres autoroutes de l’information, par fibre optique, souvent dédiées à l’utilisation militaire.

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Et la France ?
Ma foi, dans la ville-école du Guonbu, où les services secrets chinois avaient copié, quartier par quartier, les villes des pays-cibles, afin que les futurs espions s’habituent au mode de vie du pays où ils devraient évoluer, il y avait un quartier français (aujourd’hui, on peut supposer que les méthodes se sont modernisées…).

La France est, d’après Roger Falligot, un des « cœurs de cible » du Guonbu. Elle est facile à pénétrer (société très ouverte, élites très corrompues, attirance culturelle mutuelle entre deux civilisations universalistes, anti-américanisme prononcé, existence d’un fort courant maoïste souvent reconverti mais toujours accessible, richesse d’un monde associatif peu contrôlé, et surtout, bien sûr, importante communauté chinoise). Le contre-espionnage français estime que 10 % des 4.000 restaurants chinois de la région parisienne servent de paravent à des activités du Guonbu.

Récemment, les Chinois auraient utilisé leurs puissants réseaux français pour mettre « sous la loupe » un personnage qui ne leur inspire pas grande confiance : Nicolas Sarkozy. La nomination de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay n’a pas plu à Pékin (on comprend aisément pourquoi).

Apparemment, si l’on décode bien ce que Roger Faligot sous-entend, les Chinois sont assez vite arrivés à la conclusion que le personnage serait aisé à circonvenir – un contrat Airbus, qu’est-ce que c’est pour la Chine de 2010 ? A peu près l’équivalent d’un contrat sur le gaz naturel avec l’Algérie, pour nous…

L'effet domino de la dette européenne - Europe's debt domino effect

Ultra Elitist Environmental Group: Halt Economic Growth, Institute Rationing



Steve Watson
Infowars.com
November 29th, 2010

Ultra Elitist Environmental Group: Halt Economic Growth, Institute Rationing 291110rationingUltra elitist environmental group The Royal Society has published a series of papers to coincide with the latest round of UN climate talks, in which influential scientists suggest that politicians should force the population of the developed world to adhere to a system of rationing in order to stave off rising global temperatures.

The papers suggest that 1930s and 40s style crisis rationing should be implemented by Western governments in order to reduce carbon emissions. Such a move would see “limits on electricity so people are forced to turn the heating down, turn off the lights and replace old electrical goods like huge fridges with more efficient models. Food that has travelled from abroad may be limited and goods that require a lot of energy to manufacture.” the London Telegraph Reports.

“The Second World War and the concept of rationing is something we need to seriously consider if we are to address the scale of the problem we face,” one Royal Society affiliated professor states.

Professor Kevin Anderson, Director of the Tyndall Centre for Climate Change Research, added that in his view, economic growth in the developed world should be completely halted within the next two decades if the planet is to avoid mass upheaval in the form of rising sea levels, floods, droughts and mass migration.

“I am not saying we have to go back to living in caves,” he said. “Our emissions were a lot less ten years ago and we got by ok then.”

Ironically, Anderson’s point here reveals a fundamental flaw in the theory of anthropogenic warming, namely that CO2 emissions have increased, yet temperature rise is slowing. By all accounts, the warming trend observed predominantly throughout the 1980s and 90s stopped just over a decade ago.
Even the Royal Society itself was forced to admit this fact in a recently published guide, titled ‘Climate change: a summary of the science’ which was altered following multiple complaints from 43 of the Royal Society’s own members that “knowledgeable people” were seeing through brazenly alarmist climate change rhetoric.

The Met office concurs that global warming has been slowing for some time, and the admission was also recently noted by Professor Phil Jones, the figure at the head of the Climategate scandal.
It is hardly surprising to see the Royal Society still pushing a de-industrialization agenda, however, given it’s history and cadre of members and patrons.

The Royal Society, a 350 year old establishment outfit, has traditionally been the most vocal proponent for the hypothesis of AGW.

It was the former president of The Royal Society, Lord May, who made the infamous statement “The debate on climate change is over.”

When he was head of the Society, May told government advisors: “On one hand, you have the entire scientific community and on the other you have a handful of people, half of them crackpots.”

The Royal Society has thrown its full weight behind the global warming movement, lending its absolute support for legislation aimed at reducing carbon emissions by 80%, a process that will devastate the global economy and drastically reduce living standards everywhere.

It has been even more vehement than national governments in its advocacy of the man-made cause of global warming, calling for such drastic CO2 cuts to be made in the short term, not even by the usual target date of 2050.

Not surprising then that The Royal Society was also intimately tied to efforts to Whitewash the Climategate emails scandal.

The society has also conducted extensive research into geoengineering the planet, and continually lobbies the government to divert funding into it. A recently published lengthy UK Government report drew heavily upon the Society’s research and concluded that a global body such as the UN should be appointed to exclusively regulate world wide geoengineering of the planet in order to stave off man made global warming.

This information becomes even more disturbing when you consider the mindset of those who make up the membership of the Society. It is riddled with renowned eco-fascists, open eugenicists and depopulation fanatics.

One notable member is James Lovelock, an eco-fascist who advocates ending democracy and instituting an authoritative elite to oversee global climate management and a radical stemming of the human population in order to combat climate change. He is also a patron of the Optimum Population Trust, a notorious UK-based public policy group that campaigns for a gradual decline in the global human population, which it refers to as “primates” or “animals”, to what it sees as a “sustainable” level.

Lovelock is also an ardent advocate of geoengineering. In 2007 Lovelock proposed laying vast swathes of pipes under the world’s oceans in order to pump water from the bottom of the seas – rich in nutrients, but mostly dead – to the top. The idea being that the action would encourage algae to breed, absorb more carbon and release more dimethyl sulphide into the atmosphere, a chemical known to seed sunlight reflecting clouds. Such methods are also covered in the Commons report.
Another member is Jonathon Porritt, former chair of the UK Sustainable Development Commission, one of former Prime Minister Gordon Brown’s leading green advisers, who has stated that Britain’s population must be cut in half from around 60 million to 30 million if it is to build a sustainable society.

Porritt, also a member of the Optimum Population Trust, a connection that caused raised eyebrows when it was announced that Porritt was to be a part of a forthcoming Royal Society “Objective” Global Population Study.

Also on the Royal Society’s working group for their global population study is another of their patrons, and another OPT member, BBC darling wildlife broadcaster and film-maker Sir David Attenborough. Attenborough has called for a one child policy like that of Communist China to be implemented in Britain. The proposal is one of the OPT’s main initiatives. Again, how is this man’s influence going to result in an “objective” study on population?

Another member of that working group is Cambridge economist Sir Partha Dasgupta, also a fellow of the OPT.

Professor Malcolm Potts, another member of the working group was the first male doctor at the Marie Stopes Abortion Clinic in London, he also advised on the UK’s 1967 Abortion Act.
Marie Stopes was a prominent campaigner for the implementation of eugenics policies. In Radiant Motherhood (1920) she called for the “sterilisation of those totally unfit for parenthood [to] be made an immediate possibility, indeed made compulsory.” That group, according to her, included non-whites and the poor.

Stopes, an anti-Semite Nazi sympathizer, campaigned for selective breeding to achieve racial purity, a passion she shared with Adolf Hitler in adoring letters and poems that she sent the leader of the Third Reich.

Stopes also attended the Nazi congress on population science in Berlin in 1935, while calling for the “compulsory sterilization of the diseased, drunkards, or simply those of bad character.” Stopes acted on her appalling theories by concentrating her abortion clinics in poor areas so as to reduce the birth rate of the lower classes.

Stopes left most of her estate to the Eugenics Society, an organization that shared her passion for racial purity and still exists today under the new name The Galton Institute. The society has included members such as Charles Galton Darwin (grandson of the evolutionist), Julian Huxley and Margaret Sanger.

Perhaps most notably, the head of the Royal Society’s new study, John Sulston, most famously played a leading role in the Human Genome Project, the effort to identify and map the thousands of genes of the human genome. Sulston worked under James D. Watson, a notorious eugenicist who has previously argued that black people are inherently less intelligent than whites and has advocated the creation of a “super-race” of humans, where the attractive and physically strong are genetically manufactured under laboratory conditions. Watson is also affiliated with the Royal Society, indeed, in 1993 he received the society’s Copley Medal of honour for “outstanding achievements in research in any branch of science, and alternates between the physical sciences and the biological sciences”.

Sulston is also a leading advocate of the renowned Atheist group, The British Humanist Association.
It is clear that this organisation and these people are immersed in the science of eugenics, and that they have continued the science under the guise of environmentalism. They hate humanity and any notion that their studies will represent anything other than an establishment avocation of mass depopulation is farcical.

Given the standing of the Royal Society and its ability to influence policy making on an international scale, it is imperative that the media, places of education, government representatives and the wider public are made aware of these facts.
Steve Watson is the London based writer and editor at Alex Jones’ Infowars.net, and regular contributor to Prisonplanet.com. He has a Masters Degree in International Relations from the School of Politics at The University of Nottingham in England.

Blaylock: Fluoride’s Deadly Secret

http://www.infowars.com/blaylock-fluorides-deadly-secret/
Vital information by top expert Russel Blaylock explaining how fluoride is soft killing the american population as well as being used to cover the use of 30+ toxic chemicals in water and other foods.

Cancun climate change summit: scientists call for rationing in developed world

http://www.telegraph.co.uk/earth/copenhagen-climate-change-confe/8165769/Cancun-climate-change-summit-scientists-call-for-rationing-in-developed-world.html
After the climategate fiasco, the globalists are even more eager than ever to force their ecofascist agenda down our throats. They haven't given up on carbon taxing us dispite the global warming manipulation and fraud, and now they are planning on rationing and relocating entire populations in the name of environmentalism.

Le complot Bankster

Refaire la France - Sébastien Derouen

Source MediaLibre.eu + ScriptoBlog

Lundi, 29 Novembre 2010 | Écrit par Scriptomaniak |  
Actu Scripto - Actualité des amis du site

Sébastien de Rouen publie aux éditions Scribedit (Le Retour aux Sources éditeur) un manifeste politique, « Refaire la France », préfacé par Bruno Gollnisch. Ancien de l’association ‘Egalité et Réconciliation présidée par Alain Soral, il nous parle de son ouvrage, de son parcours, de ses projets et de la situation politique. Décapant et passionnant.

Bonjour Sébastien Derouen,

Pourriez vous vous présenter brièvement ?

Bonjour. J’ai quarante ans, je suis agrégé de philosophie, docteur, h.d.r. J’enseigne la philosophie dans un petit lycée de province et je donne quelques cours dans le supérieur.

Pour ce qui est de mon parcours militant, il est un peu atypique, puisqu’il m’a mené dans un premier temps d’un engagement syndical (à F.O.) à un engagement politique (dans ce qui s’appelait à l’époque le Parti des Travailleurs, aujourd’hui POI, donc très « à gauche », si tant est que ce terme ait un sens). Je ne regrette pas les années que j’ai passé à y militer, ce fut une dure, une très dure école, mais j’y ai acquis une formation, quant à la pratique militante, qui ne se trouve sans doute guère ailleurs, de même que l’engagement syndical m’a mis aux prises avec des réalités qui ne se rencontrent pas dans les livres de philosophie, ni d’ailleurs dans la politique politicienne pure.

Cependant, j’ai fini par me rendre compte que je faisais fausse route avec le marxisme, qui, du reste, ne m’a jamais satisfait entièrement, mais qui m’est longtemps apparu comme offrant des outils d’analyse utiles pour saisir la réalité économique, sociale et politique. J’ai donc rejoint le mouvement Egalité et Réconciliation d’Alain Soral au début de l’été 2008, voyant bien qu’il n’y avait pas d’espoir de contribuer à remettre la France sur ses pieds sans mettre en œuvre le sentiment national ni prendre appui sur des valeurs morales dont la Droite a traditionnellement eu la charge de la défense.

Je suis rapidement rentré au Bureau National d’E&R où j’ai été en charge de l’organisation, puis de la formation. À cette occasion, je me suis plongé très assidûment dans les classiques du nationalisme français, et je m’y suis parfaitement retrouvé, avant tout chez Barrès, secondairement aussi chez Maurras. Rentré au B.N. d’E&R pour y représenter la « gauche du travail » (selon la formule soralienne), j’ai fini par y être peut-être le plus imprégné des idées de la tradition nationaliste française ancienne manière.


Cette évolution de plus en plus « à droite » (du moins sur certains plans) explique peut-être en partie le fait que j’ai quitté ce mouvement vers mars-avril 2010, au moment où Alain Soral a décidé d’y reprendre la main, après avoir évincé Marc George qui en était le secrétaire général. La succession de Marc George m’a été proposée par Soral avec l’accord de Marc George — c’est bien le dernier point sur lequel ils ont pu tomber d’accord ! —, mais je ne souhaitais pas prendre de telles responsabilités dans un mouvement dont l’orientation me paraissait de plus en plus incertaine à tous égards.

Entre-temps, dès l’automne 2008, j’avais adhéré au Front National sur décision du Bureau National d’E&R ; mais, y ayant tissé des liens politiques et amicaux et n’approuvant pas la manière dont Alain Soral en a claqué la porte, j’y suis resté depuis. La rencontré de Bruno Gollnisch, lors de son passage en Normandie, à Saint-Wandrille, à la fin de l’année 2008, n’a pas peu contribué à me persuader que je pourrais me rendre utile à mon pays au sein de ce parti, sous une forme ou sous une autre, tôt ou tard. Je l’espère encore et, aujourd’hui, je n’ai pas d’autre affiliation politique.

Vous publiez un manifeste politique chez Scribedit [Le Retour aux Sources éditeur], Refaire la France. Comment cette idée vous est-elle venue et quels sont vos objectifs ?

Refaire la France est le fruit d’un travail dont l’objectif premier a été de donner un programme à E&R. Comme responsable de la formation — et, en fait, de l’élaboration du programme —, j’en ai assumé la rédaction dans la perspective du premier congrès national que nous espérions tenir, au moment où Alain Soral, brisant nos espoirs, a brusquement donné un autre cours à son association, privant ce manifeste (qui était encore en cours d’écriture) de son objet initial.

Quelques remarques, d’abord, sur la manière dont le texte a été écrit.

Mon ambition première était de combiner l’écriture d’un programme avec la formation des militants — autrement dit, j’ai cru possible de nourrir la discussion et d’élever son niveau au sein d’E&R en proposant aux sections et groupes de cette organisation de travailler à clarifier des points de doctrine. Cette entreprise a connu diverses péripéties qu’il serait trop long, et passablement ennuyeux, de relater ici. Toujours est-il qu’à la fin, je me suis trouvé dans l’obligation de rédiger par moi-même la quasi-totalité du texte, tout en me reprenant des idées intéressantes qui avaient été esquissées ou évoquées sur le forum interne du site d’E&R. De plus, la fin de la rédaction a eu lieu après ma rupture avec E&R, donc dans une situation où je me trouvais tout à fait émancipé du souci de fidélité aux idées d’Alain Soral, dont, de toute façon, ma réflexion m’avait peu à peu éloigné.

Ce n’est pas pour autant que j’ai écrit Refaire la France comme une expression de mes propres opinions sur les questions dont le livre traite. J’ai eu constamment à l’esprit, en achevant de le rédiger, le meilleur de ce qui s’est fait à E&R, avec le désir de pousser un cran plus loin la réflexion dont Soral avait donné l’impulsion et qui, au sein de l’association, avait une vie propre, féconde et souvent étonnante. En y repensant, encore aujourd’hui et alors que je n’ai gardé aucun contact avec ce qui reste d’E&R, j’ai bien le sentiment que, pendant quelques mois au moins, l’Esprit a soufflé, d’une certaine manière, sur cette organisation. Pour beaucoup ( y compris moi-même), des choses s’y sont faites et dites, des réflexions s’y sont débloquées, des intelligences y sont sorties de la quasi-prostration où l’état actuel de la France réduit même les plus brillants d’entre nous et, pendant un temps, tout a paru mûrir à vitesse accélérée.

C’est aussi pour faire mémoire de cela que j’ai décidé de publier Refaire la France, comme témoignage d’un moment d’extraordinaire dynamisme qui a traversé une sensibilité du nationalisme français — ou, peut-être, où elle s’est inventée. Je suis donc resté un peu en retrait de l’état présent de ma réflexion sur nombre de questions, car je tenais à faire un livre cristallisant en un sens ce qui aura été l’esprit E&R durant sa brève apogée.

Nul esprit vraiment politique ne déconnecte les idées des forces collectives en lesquelles elles s’incarnent, dont elles permettent la formation mais qui en permettent aussi, réciproquement, l’efflorescence. Autant la rédaction de Refaire la France n’aurait pas été possible sans « l’expérience E&R » comme arrière-plan (même si j’ai porté pratiquement seul la charge de l’écriture du livre, soit dit pour faire taire une rumeur aussi erronée qu’elle est malveillante), autant le livre ne vaudrait rien si, maintenant qu’il est coupé de l’organisation dont il est issu, il ne servait pas de germe à une organisation nouvelle, ou au renforcement d’une organisation existante. Il en va de ce livre comme d’une graine issue d’un fruit qui, à mon sens, est aujourd’hui en pleine décomposition — la graine ayant vocation à faire naître une autre plante qui engendrera de plus beaux fruits. Ce livre a été écrit pour une organisation qui n’existe plus guère et qui n’en veut plus, mais il a été publié dans l’espoir d’en engendrer une autre. Je reviendrai tout à l’heure sur ce point.

Pouvez vous en faire une brève synthèse ?

Le livre comporte trois sections : bilan de la situation en cours, projet politique, perspectives d’organisation.

I. Une première partie, de bilan, évoque l’état de la France, non seulement sur le plan économique, social et politique, mais encore sur le plan psychologique et moral. Le terme-clef pourrait être celui de démoralisation, dans tous les sens du terme — mais la question est ressaisie sur fond de crise économique mondiale, crise dans laquelle nous ne croyons pas exagéré de voir les convulsions d’agonie du capitalisme — ce qui, du reste, n’implique pas nécessairement que l’effondrement de ce système mourrant soit vouée à être suivie d’un retour à un ordre plus naturel : il est possible aussi — et c’est même le plus probable, si on laisse les choses suivre leur cours spontané, celui de la ligne de plus forte pente — qu’il engouffre l’humanité dans son naufrage.

Ce bilan est suivi d’un survol des forces de résistance existantes, survol peut-être trop sévère, comme Bruno Gollnisch le fait observer, à l’égard de la droite nationale dans certains au moins de ses courants.

Cette première section n’a rien de très original, sinon peut-être la manière dont un certain nombre de concepts issus du marxisme y sont retenus sur le simple plan de l’analyse économique et combinés avec des réflexions inspirées principalement de Barrès. Au reste, l’idée d’une baisse tendancielle du taux de profit n’est pas une invention de Marx ; elle est déjà très bien élaborée chez Ricardo, à qui Marx l’a empruntée — soit dit à l’usage de ceux qui ne veulent pas admettre une vérité quand celui qui l’a énoncée leur répugne.

II. Dans la deuxième section, un ensemble de propositions est présenté, qui se subdivise en deux parties : A Comment ? et B. Quoi ?.

A. La première partie porte en somme sur les institutions qu’il serait nécessaire de mettre sur pied pour Refaire la France. Naturellement, le livre n’est pas fait pour les spécialistes de Droit constitutionnel et les choses y sont présentées un peu en survol. Cependant, les traits principaux ne s’en dégagent pas moins clairement et ils se ramènent à quatre axes majeurs :

1. L’État national restauré dans sa puissance et son indépendance, mais resserré sur ses attributions régaliennes, sans tomber dans le travers de l’administration universelle des détails.

Sur ce plan, et sans aller jusqu’à proposer l’option monarchique, j’ai réfléchi principalement à partir de l’œuvre de Maurras, tout en considérant aussi que la situation présente exigeait une redéfinition du périmètre des attributions régaliennes de l’État. En effet, si Maurras, et avec lui toute la tradition dans laquelle il s’inscrit et celle qui a procédé de lui ne veulent guère d’un État qui s’immisce dans l’économie, laissée à l’initiative individuelle, nous avons considéré que la situation présente exigeait une prise en main partielle de l’économie par l’État, sans doute transitoire, mais très ferme et vigoureuse.

Pour autant, nous ne sommes pas socialistes, ni néo-fascistes, au sens où nous n’avons pas pour objectif l’absorption de l’appareil de production et dans l’État — la militarisation, en quelque sorte, de la production. Nous pensons seulement qu’il y a des mesures de salut public que l’État doit prendre, non pas pour étouffer l’initiative individuelle, mais au contraire pour protéger la petite propriété privée, fruit du travail personnel et familial, contre les menées ravageuses du capital apatride.

Chacun voit en effet que le capitalisme du XXIe siècle n’est pas celui du XIXe, qui, tout en mettant en pièces les traditions encore vivantes des peuples européens et les institutions qui les portaient, n’en permettait pas moins un extraordinaire déploiement de ce que les marxistes nomment les forces productives. Le capitalisme actuel, au contraire, en plus d’achever de nous déraciner au dernier degré, produit une désindustrialisation qui devient de jour en jour plus effrayante.

2. Le contrepoids de la puissance de l’État proprement dit, ce ne doit pas être, selon Refaire la France, la fameuse « séparation des pouvoirs » dont on parle à tort et à travers — mais l’existence d’une assemblée représentative populaire, qui ne serait pas législative, constituée de telle sorte que sa composition sociale soit vraiment l’équivalent de celle du peuple français. En somme, la seule parité qui m’intéresse, c’est la parité sociale, c’est-à-dire la représentation, dans cette assemblée, de tous les groupes sociaux qui constituent la population française à proportion de leur nombre dans cette population — et de l’importance sociale réelle de leur apport.

Il ne s’agit pas bien sûr de ce que l’on entend aujourd’hui par société civile, ce ramassis d’associations dont on veut faire les porte-parole de groupes qui n’en peuvent mais et dont les Français n’ont cure. Nous ne voulons évidemment pas d’un lobbying communautaire où des représentants auto-proclamés de groupes sans réalité sociale tâcheraient de se faire une place. Ce à quoi nous avons pensé, c’est seulement aux catégories sociales déterminées par la place des individus dans le service des intérêts de la nation — bref, et pour simplifier, à une représentation par corps, dont les élections professionnelles donneraient une bien meilleure image approchante que les actuelles élections législatives.

Cette assemblée n’aurait vocation ni à gouverner, ni à légiférer d’aucune façon, mais seulement à porter incessamment à l’État les doléances et revendications du peuple, telles quelles, sans la médiation insupportable des politiciens de métier et des journalistes qui, dans la France d’aujourd’hui, n’ont de cesse qu’ils n’étouffent entièrement la voix du peuple pour lui substituer des questions que personne ne se pose et des réponses auxquelles personne ne peut croire.

Il ne serait pas nécessaire de conférer à cette assemblée un rôle autre que consultatif : la simple proclamation publique des aspirations populaires serait une limite bien plus puissante au pouvoir de l’État que ne l’est l’actuelle et bien illusoire séparation des pouvoirs.

3. Cette représentation du peuple par corps, ce serait, au fond, et pour reprendre un terme un peu démodé, les fameuses corporations que j’ai conçues par référence à Georges Valois — Bruno Gollnisch renvoyant de préférence, avec raison, dans sa préface, à la doctrine sociale de l’Église sur ces questions, non pour contester les idées avancées dans Refaire la France, mais pour les compléter et indiquer les voies de leur possible approfondissement.

À l’égard des membres de cette assemblée représentative populaire, deux idées complémentaires :

(a) D’abord, je suis partisan à leur égard (et parce qu’il y a un État indépendant de cette assemblée, capable de maintenir la continuité des institutions et de préserver les intérêts supérieurs de la Nation même en cas de grande instabilité de cette assemblée) de l’application des principes les plus démocratiques, ceux de la Commune de Paris de 1871 : élus révocables à tout moment par leurs mandants, mandat impératif avec compte-rendu obligatoire, pas de vote à bulletin secret (sauf nécessité particulière). Bref, le souci a été de rendre la parole au peuple, à tout prix, pour bannir à jamais le vis-à-vis de l’incurie politicienne et du bavardage journalistique.

(b) L’idée est en outre proposée d’une élection à deux niveaux, avec l’élection directe d’assemblées régionales (en revenant peut-être à un plus petit nombre de régions, correspondant mieux à des divisions naturelles — ou culturelles, si l’on préfère — du territoire français), députant de leur sein des représentants à l’assemblée centrale. Le principe de subsidiarité nous semble plausible, s’il est pris selon son véritable sens et non tel que l’entendent les institutions de l’actuelle « Union Européenne ».

4. Par ailleurs, je défends dans Refaire la France l’idée du référendum d’initiative populaire, telle qu’elle figure, du reste, dans le programme du Front. C’est le deuxième contrepoids à la puissance considérable concentrée dans l’État.

B. La deuxième partie de cette deuxième section (Quoi ?) présente un certain nombre de propositions de mesures à mettre en œuvre d’urgence en vue de Refaire la France.

Ces propositions sont beaucoup moins originales, pour la plupart, que les propositions relatives aux institutions : au fond, elles sont parfaitement homogènes, me semble-t-il, au programme du Front, avec une insistance plus marquée, cependant, sur les mesures qui pourraient permettre d’arracher la France des mains d’un capital apatride qui ne trouve plus aujourd’hui à se valoriser que par la spéculation la plus destructrice. Mais j’en ai déjà dit un mot.

La seule réflexion peut-être un peu singulière, quoique inspirée de ce que l’on lit sous la plume des premiers pères du nationalisme français — et donc originale seulement à notre époque, mais fidèle à la tradition de notre famille de pensée — est une réflexion sur l’évolution nécessaire du droit de propriété, où, en somme, l’individu n’aurait pas la nue propriété de tous ses biens, mais, du moins pour certains d’entre eux, n’en aurait que l’usufruit, le propriétaire véritable étant plutôt la famille, prise dans sa continuité trans-générationnelle, que l’individu lui-même.

Cette considération tout à fait réactionnaire à bien des égards (au meilleur sens du terme) est cependant articulée sur une réflexion sur la redistribution, devenue nécessaire, d’un certain nombre de biens (sur le modèle d’une réforme agraire), dans l’objectif de former d’innombrables îlots de petite propriété privée familiale en lieu et place des énormes conglomérats actuels. Il serait trop long de rentrer dans le détail, et, d’ailleurs, Refaire la France s’en tient aux grandes lignes essentielles. Mais il est important de saisir, dans chacune des idées avancées, son caractère paradoxalement à la fois réactionnaire et social, propre à désarçonner nos ennemis, s’ils se penchaient sur ce petit livre.

III. Enfin, la dernière section porte sur des questions d’organisation.

En somme, le point central en est le suivant : bien des maux de notre société proviennent de ce que d’aucuns appellent la narcissisation des individus (qui est plus et autre chose que l’individualisme, ou qui en est le stade suprême). La narcissisation s’exprime dans le fait que les individus veulent être leur propre fin, et veulent que toutes leurs activités soient autant de moyens ordonnés à cette fin, soit sous la forme primaire du simple plaisir (d’un genre ou d’un autre), soit dans le registre du « développement personnel ». M’est avis qu’il serait inutile de prendre cette tendance de front, simplement en la dénonçant. D’autant qu’il n’y a rien de mal à se soucier de soi, si c’est en désirant s’améliorer.

Le projet qui est esquissé en fin de volume serait celui d’une organisation dans laquelle les individus pourraient en somme trouver leur compte, sous la forme d’une contribution à un redressement intérieur, tout en se rendant utiles, sur le plan politique, à la société française. Plus simplement : au lieu de construire une organisation dans laquelle le militant de base est simplement invité à se sacrifier pour la cause (notez bien que je suis loin d’exclure que l’on se sacrifie pour la cause, c’est une chose admirable, mais que je dis qu’on ne peut pas trouver son compte, si l’on est un être humain digne de ce nom, à ne faire que coller des affiches et applaudir des chefs), il nous faudrait former des groupes qui permettent aux individus de se former, dans tous les sens du terme.

La formation doit être à la fois théorique et pratique, bien entendu ; une organisation politique devant tirer le meilleur parti de ses adhérents, elle n’a aucune raison de ne pas les aider à devenir mieux capables de comprendre et d’agir sous toutes les formes appropriées. Mais il est vrai aussi — pour éclairer mes propos précédents, qui pourraient inquiéter certains, qui leur trouveraient une tournure presque religieuse ou sectaire — que nous avons affaire, et surtout dans la jeunesse, à des individus profondément désorientés et déstructurés par une éducation défaillante. Les liens amicaux tissés dans le cadre d’une action commune, disciplinée mais non autoritaire (c’est-à-dire, reposant sur une compréhension commune qui serait le fruit d’une formation méthodique et d’une discussion soutenue) en vue de Refaire la France permettraient dans une certaine mesure de remettre ces individus égarés sur les voies d’une vie simplement normale. En somme, construisons dans la société informe d’aujourd’hui les formes et les cadres dont un être humain aurait besoin pour n’être pas lui-même une loque informe, ce qui, hélas, est le cas de beaucoup de nos concitoyens et, à mon sens, pas purement de leur faute.

L’organisation dont je parle et que j’appelle de mes vœux, pour en parler un peu plus clairement peut-être que dans le livre, est ce dont j’avais caressé l’espoir à E&R quand j’y ai pris quelques responsabilités. Malheureusement, le cadre n’était pas propice, en raison en l’esprit d’improvisation permanente et de provocation tous azimuts qui y régnait et de l’absence d’une doctrine assez nettement articulée (sans être fermée ni dogmatique). Je crois qu’il y aurait la place aujourd’hui pour construire une organisation de ce genre. Celle-ci ne devrait en aucune façon se poser en concurrente d’organisations déjà existantes : la division est déjà tellement effrayante et tellement envenimée dans le camp national ! Et puis, vu la taille modeste qu’elle aurait sans doute, quelques centaines (comme E&R à l’époque de sa plus grande splendeur) ou quelques milliers (en étant plus optimiste), elle serait incapable par elle-même de cette part très importante du travail politique qui se mène dans l’arène électorale. Et, du reste, sur ce terrain-là, elle n’aurait aucune position propre : je suis satisfait, pour ma part, à 95% au moins, des propositions du Front National, qui me paraissent à bien des égards comme ce qui peut se proposer de plus raisonnable dans ce registre-là, c’est-à-dire celui d’un discours s’adressant à l’électorat en général, qui, en somme, ne s’intéresse à la chose politique que de manière diffuse et occasionnelle — et qui désire avant tout qu’on lui ouvre une perspective qui ne soit pas insaisissable, mais lui apparaisse sage et de bon sens.

L’organisation dont je parle devrait donc, tout en préservant sa singularité, à la fois de forme et de contenu, s’articuler en toute loyauté, en toute fidélité et en toute transparence au grand parti national, c’est-à-dire au Front National, si du moins ses destinées prochaines le maintiennent dans la position qui est la sienne, de pôle quasi unique de la résistance nationale. La nécessité de constituer un cadre qui nous serait propre est triple : — D’abord, préserver, y compris dans l’intérêt du grand parti national, une forme d’organisation un peu plus resserrée, plus combative, aisément mobilisable à toutes fins utiles (y compris pour coller des affiches, pour reprendre mon exemple précédent et me préserver des malentendus et des critiques malveillantes) ; — Ensuite, travailler ensemble à l’approfondissement de la réflexion sur des thèmes qui nous sont propres, et cela non seulement pour être en mesure de livrer au Front des analyses nouvelles et, pourquoi pas, acceptables par tous ; mais encore parce que certains ne nous rejoindraient pas, et rejoindraient encore moins le grand parti de front unique, s’ils ne voyaient pas se dessiner une autre perspective, un espoir plus radical, à l’égard duquel le programme du Front, tout en demeurant très bon, ne serait pas l’alpha et l’oméga ; — Enfin, parce que nous pouvons avoir vocation, sinon à amener au Front, du moins à sensibiliser à la justesse de ses principales analyses, des gens qui, autrement, seraient animés de préjugés invincibles à son encontre. C’est aussi à quoi E&R pouvait servir, au temps où ses liens avec le Front étaient souples, mais publics : j’en suis le témoin, moi qui n’aurais probablement jamais adhéré au Front si je n’avais d’abord fait un bout de chemin à E&R, et même pris des responsabilités dans cette organisation d’une manière qui m’a obligé moralement à faire table rase de réticences que j’aurais mis bien plus de temps à vaincre par moi-même. À cet égard, ma conception de l’organisation à bâtir s’inscrit pour une part, et sous une forme particulière, dans le projet général qu’à Bruno Gollnisch d’une construction de réseaux « de terrain » propres à éviter autant que faire se pourra la répétition du scénario de l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2002.

Cette organisation devrait, en tout état de cause, se donner pour l’un de ses principaux buts d’œuvrer de toutes les manières possibles au renforcement du grand parti de front unique, sans poser le moins du monde les convictions particulières autour desquelles elle serait bâtie comme un ultimatum aux autres sensibilités du mouvement national, mais en s’attachant clairement, dans ce travail de front unique, au programme qu’elle aurait en commun avec ces autres sensibilités, — tout en se donnant par ailleurs les moyens de faire connaître et apprécier, de manière constructive, ses analyses et propositions propres.

Le dirigeant de Scribedit, Michel Drac, est comme vous un ancien d’ER, ER serait-elle extérieure à ER ?

Je ne peux pas me permettre de m’exprimer à sa place ; c’est à lui qu’il faut poser la question. Cela dit, ce qui est un fait, c’est qu’E&R ne pouvait pas se remettre du départ de toutes les individualités qui par leur qualité intellectuelle propre faisaient contrepoids, en quelque sorte, à Alain Soral. L’association n’aurait pu en effet être viable qu’en cultivant sa polyphonie, sa multiplicité de voix et de points de vues distincts mais harmoniques. Même ceux qui regardent Alain Soral comme un esprit supérieur doivent bien se rendre compte que l’association ne pouvait se développer, à terme, qu’à condition qu’elle n’apparaisse pas comme centrée sur le seul culte de son génie inlassablement auto-proclamé — qui est vraiment le seul principe de cohésion d’E&R, puisqu’il n’y a pas de ligne doctrinale homogène, « lisible », et que ses positionnements, qu’il se plaît à donner comme d’habiles revirements tactiques, ne peuvent qu’apparaître à toute personne qui réfléchit comme autant de palinodies sans consistance. Telle qu’elle est devenue, l’association ne peut plus attirer que des jeunes gens immatures, en mal de d’un maître…

Cela dit, quant à savoir si « E&R serait extérieure à E&R », je crois à vrai dire qu’E&R est morte depuis plusieurs mois, même si le processus de décomposition n’a pas encore été tout à fait jusqu’à son terme. La dynamique très forte qui portait ce groupe, très prometteur à l’époque où j’y suis rentré et dans les premiers mois où j’y ai été (disons, dans la deuxième moitié de l’année 2008), ne pouvait que se tarir après la séquence (1) rupture avec le Front – (2) campagne de la « liste antisioniste » et résultats dérisoires de cette campagne – (3) échec de la marche vers un premier congrès national et renoncement à l’idée de construire une organisation politique. On voit bien, en y pensant, qu’E&R s’est à chaque fois fermé une porte et qu’à la fin… il ne lui en reste plus aucune.

Bref, la question n’est plus de savoir si « E&R est extérieure à E&R », mais surtout de savoir où et sous quelle forme peut se continuer le mouvement qui est passé, à un moment donné, par E&R. À cette question, on ne peut répondre que de deux façons : ou bien (1) ce mouvement a définitivement avorté, E&R étant une sorte de dernière chance avant que l’on soit obligé de renoncer à une approche encore proprement politique (je crois que c’est un peu, à cette étape, l’option de notre ami Michel Drac). Ou bien (2) E&R n’a déraillé que du fait d’une série d’accidents et de dérives, dues en partie au caractère de son chef, en partie à des effets d’une certaine désorganisation interne, mais le projet global reste viable, à condition de tout reprendre à zéro sous une forme légèrement différente et en tirant les leçons de notre échec. C’est plutôt mon point de vue : je persiste à penser qu’il y aurait lieu de reconstruire une autre organisation — mais en l’articulant clairement au Front, sous la forme que j’ai esquissée, pour éviter les dangers d’épuisement rapide qui guettent toute formation politique de trop petite ampleur.

Bruno Gollnisch a préfacé cet ouvrage. Une manière de prendre position pour le congrès du FN ?

Bruno Gollnisch, en préfaçant cet ouvrage, a eu la très grande élégance de ne pas l’annexer à sa campagne pour la succession à la tête du Front, ni même d’ailleurs au FN en général. Avec la hauteur de vues qui lui est propre, il a bien voulu parrainer, en quelque sorte, ce livre, pour lui donner le poids additionnel de la réalité — j’entends : lui ôter le caractère, qui autrement aurait pu être le sien, d’une proclamation dans le ciel des idées platoniciennes, hors de tout rapport sérieux à la chose politique. Outre le grand universitaire dont la caution intellectuelle est tout à fait valorisante pour ce manifeste, c’est l’homme d’expérience, investi de nombreuses responsabilités et de nombreux mandats, qui a en quelque sorte conféré sa légitimité politique à Refaire la France.

Même si Bruno Gollnisch a eu la délicatesse parfaite de ne pas capter Refaire la France au service du dispositif qui travaille à lui faire emporter la victoire au prochain congrès du FN, il va sans dire que ce n’est évidemment pas sans arrière-pensée à cet égard que j’ai sollicité cette préface.

Quand je l’ai fait, au printemps dernier, je croyais naïvement qu’il n’avait guère de chances de l’emporter, et ce qui apparaît aujourd’hui comme hautement probable me semblait alors à peine possible. Mais la politique n’est pas affaire que de tactique, et une stratégie sans principes n’est rien que de l’opportunisme. Même si je n’imaginais pas alors qu’il eût une chance véritable de devenir le prochain président du FN, je ne l’en regardais pas moins (et c’est toujours mon point de vue) comme le représentant le plus autorisé de la tradition du nationalisme français. Le prétendant légitime, en quelque sorte — celui dont l’approbation aurait, au fond, le plus de poids réel, le plus de sens, sinon le plus d’audience.

Mais ce relatif pessimisme (qui s’est retourné en espoir sérieux dans les dernières semaines) ne m’a pas empêché de déclarer publiquement et clairement (notamment sur mon blog) que sa victoire me paraissait hautement souhaitable. Et cela pour plusieurs raisons.

D’abord, Bruno Gollnisch est visiblement un homme intègre et désintéressé, dont on peut être certain qu’il pense ce qu’il dit et qu’il entend faire ce qu’il dit qu’il va faire. En même temps qu’il est armé de certitudes, d’une doctrine, il est éminemment ouvert à la discussion, qui, avec lui, est toujours instructive et constructive. Il ne pose aucun ultimatum et notamment n’exige pas un chèque en blanc, une soumission sans conditions à son autorité personnelle. C’est une façon de concevoir le rassemblement des forces qui me convient mieux qu’une autre : en somme, avec lui, ce qui est demandé, ce n’est pas du tout un ralliement sans principes, mais un travail commun sur les bases claires d’un programme de bon sens auquel on pourra éventuellement contribuer par la critique ou la proposition.

Je souscris également à sa tactique, de rassemblement de notre camp avant de partir à la conquête de l’électorat, plutôt que l’inverse — jeter dehors les militants historiques et s’adresser par-dessus leur tête directement « aux gens ». Il se peut que les militants ou les cadres du FN aient parfois été un peu trop étrangers aux soucis réels des gens ordinaires. Il est vrai qu’il faut se préoccuper sérieusement de convaincre le peuple français, plutôt que de se faire plaisir à rester « entre soi » en répétant des bons principes sans souci de les faire comprendre et aimer à une population pour qui, de fait, ils sont devenus insaisissables. Mais je dis que le seul moyen de le faire est de construire un puissant parti de masse de cadres aguerris et de militants de terrain, tous bien formés, et non une machine à faire de la « com » en calculant à partir de sondages d’opinion des tactiques opportunistes pour gagner des élections sans autre but sérieux. Il est vrai que l’on doit tendre à persuader tous les Français et non une sorte de ghetto national ; mais il est vrai aussi que le seul moyen de s’adresser à tous les Français, ce n’est pas de croire s’arranger avec les médias au moyen de l’illusion de la « dédiabolisation », c’est de prendre la peine de construire une large organisation de masse capable, par ses réseaux propres, d’atteindre chaque Français là où il est et de s’adresser à lui en toute indépendance à l’égard des médias du système.

J’ai dans un premier temps pensé de Bruno Gollnisch, en somme, ce qu’en disait alors Alain Soral, avant qu’il ne passe de l’autre côté : que c’était un très honnête homme, éminemment respectable comme incarnation de la « droite des valeurs » (pour parler soralien), avec qui l’on n’était pas forcément d’accord sur le moindre détail, mais avec qui l’on pouvait s’entendre de façon agréable et raisonnable. À cette étape, mon point de vue a changé, au sens où, en lisant Une Volonté, un idéal, je ne trouve pour ainsi dire rien que je ne reprendrais pas tel quel moi-même. En somme, si je devais exprimer ma seule nuance d’appréciation relativement à la manière de voir de Bruno Gollnisch telle que je crois la comprendre, c’est que je suis persuadé que si, appelé à la magistrature suprême, il entreprenait d’accomplir son programme, il se heurterait à une telle résistance, au-dehors comme au-dedans, qu’à moins de capituler en rase campagne — ce qui n’est pas dans son caractère —, il serait bien obligé d’aller beaucoup plus loin dans le sens de ce que j’appelle de mes vœux dans Refaire la France.

Ainsi, par exemple, quand nous parlons de réquisition des banques et de certains grands groupes industriels, choses que nous n’estimons pas forcément souhaitables en elles-mêmes, mais que nous regardons comme rendues nécessaires par la situation présente (dans laquelle le capital ne trouve plus guère à se valoriser par la création de richesse utiles et d’emplois indispensables), je pense que Bruno Gollnisch, s’il était amené à prendre en main les destinées de la France, ne pourrait guère reculer devant cette nécessité et quelques autres du même genre, tout en les regardant avec bien plus de réticences que nous.

C’est pourquoi c’est sans hypocrisie aucune qu’en dépit de cette petite différence d’appréciation des rapports de forces politiques et économiques dans le monde, je ne craindrais pas de souscrire des deux mains au programme du Front et aux orientations évoquées à grands traits dans Une Volonté, un idéal : en somme et pour le dire dans des termes qui font plutôt référence à l’histoire du mouvement ouvrier, la mise en œuvre du programme minimum exigerait, malgré qu’on en ait, la réalisation d’une bonne part du programme maximum.

La création d’une organisation qui reprenne les objectifs initiaux d’ER vous paraît elle aujourd’hui souhaitable ?

Oui et non. L’expérience nous a instruit, notre réflexion a avancé, la situation aussi a bougé, de telle sorte que la pure et simple répétition hors d’E&R du projet initial d’E&R m’apparaîtrait vouée à l’échec.
D’abord, le pari d’E&R reposait exagérément sur le charisme personnel de son président. Cela a créé une extrême vulnérabilité de l’association, qui était à la merci des sautes d’humeur brutales d’Alain Soral et de ses revirements imprévisibles, voire subordonnés au souci de son intérêt bien compris. C’est en partie la leçon de cette expérience qui me conduit à soutenir aujourd’hui Bruno Gollnisch pour la succession de Jean-Marie Le Pen : l’affaissement d’E&R n’est pas sans rapport avec le faux calcul selon lequel on ne pourrait arriver à rien sans une personnalité médiatique à la tête d’une organisation. Au reste, je juge Bruno Gollnisch excellent orateur, et plus encore dès lors qu’il a le temps de développer sa pensée. Mais on essaie de nous persuader qu’il faudrait suivre sa concurrente parce qu’elle aurait un plus grand potentiel de séduction. À supposer même que ce soit le cas, l’expérience d’E&R nous a bien montré où menait un calcul du même genre : il est vrai que Soral a (ou avait) un grand potentiel de séduction dans un certain public — disons, surtout, des garçons parfois immatures, ou du moins un peu désorientés, attirés par une présentation un peu rock’n’roll et humoristique d’idées nationalistes et recherchant un modèle de virilité théâtrale pour compenser l’absence réelle ou symbolique d’un père. Mais, à la fin, tout a fini, c’est le terme juste, en débandade intégrale.

Bref, reconstruire une organisation, oui, mais avec une direction collégiale responsable, transparente, des instances fonctionnant de façon régulière, un programme, une certaine continuité dans la stratégie. Tout cela suppose que, même si les dirigeants doivent être estimés des adhérents, aucun d’entre eux ne devra prendre un ascendant tel qu’il puisse les mener sur des voies de garage.

Quant au contenu, il est bien sûr difficile de comparer la très vague charte d’E&R ou l’ensemble des écrits et interventions de Soral avec le propos de Refaire la France, même s’il y a bien sûr des affinités. On pourrait dire que l’une des caractéristiques d’E&R était son côté très attrape-tout, très opportuniste, un slogan, une formule, remplaçant souvent un concept. Je mets quiconque au défi de définir clairement la pensée d’Alain Soral en termes de propositions d’action ou de projets de société : s’il a une pensée, elle se situe surtout dans le champ de la description critique de ce qui est, et non du côté de la définition d’un objectif et du calcul des moyens d’y parvenir. On pourrait donc dire qu’E&R avait pour ciment de sa cohésion le partage d’un certain nombre d’indignations, sur lesquelles pouvaient se rejoindre des gens qui n’avaient pas grand-chose en commun par ailleurs. En publiant Refaire la France, j’ai fait un certain nombre de propositions bien plus précisément déterminées. C’est un plus et c’est un moins : le programme étant mieux dessiné, il plaira à moins de monde ; plus on précise ses idées, plus on exclut de gens qui auraient pu être attirés par le flou dans lequel on aurait laissé certaines « questions qui fâchent ». Cela dit, il y a des gens — ceux à qui je m’adresse — qui n’aiment pas avancer dans l’équivoque et qui, pour s’engager, ont besoin d’un contrat clair quant aux objectifs et quant aux moyens, ce que propose Refaire la France. C’est une profonde différence avec E&R, dont, pour ma part, le côté un peu informe à la fois sur le plan doctrinal et sur le plan organisationnel ne m’a jamais vraiment réjoui.

De plus, à la lecture de Refaire la France, on verra bien qu’on est, relativement à la phraséologie soralienne, dans un tout autre monde. Le style, c’est l’homme, dit-on. Je ne me prétends pas, pour ma part, écrivain ; mais il y a une profonde différence de tempérament qui saute aux yeux entre celui qui a visiblement plaisir à faire violence à la langue française et celui qui essaie d’honorer la tradition du français classique, même pour exprimer des idées autrement plus radicales. Car, comme je le disais, nul ne sait ce que proposerait précisément Alain Soral pour redresser notre pays et il y a fort à penser que, chez lui, la « gauche du travail » comme la « droite des valeurs » se réduisent à des slogans qui flattent l’oreille, mais dont la teneur exacte est parfaitement indéfinie (soit dit sous toute réserve sur la sincérité du propos, qui ne regarde que la conscience de celui qui l’énonce). Le contenu de Refaire la France est, pour parler ce jargon quasi-dénué de sens, à la fois plus à gauche (plus nettement résolu à l’encontre du capital apatride) et plus à droite (plus ferme sur le plan des principes moraux ou de la défense de la propriété privée individuelle et familiale) que Soral, ne serait-ce que parce qu’il est infiniment plus précis dans la formulation de propositions d’objectifs et d’action que ne l’a jamais été E&R comme telle.

Enfin, pour ma part, je trouve que le propos d’E&R a toujours été entaché de jacobinisme ultra-républicain et laïcard, c’est-à-dire d’un attachement que je désapprouve aux fondamentaux de la pensée révolutionnaire, même si, de façon contradictoire, flottait dans ce salmigondis social-républicain et patriote à la Michelet (ou à la Chevènement) des scories d’un discours authentiquement contre-révolutionnaire. Ces éléments résiduels du discours laïcard et républicain « à l’ancienne » ont été entièrement exclus de Refaire la France, qui exprime une pensée profondément et sérieusement sociale, mais à bien des égards contre-révolutionnaire ou anti-moderne. Les lecteurs de Refaire la France y verront le fruit d’une lecture précise non seulement de Barrès, qui est notre maître à bien des égards, mais aussi de Maurras — d’un Maurras qu’on aurait pris la peine de confronter aux exigences de l’heure, qui ne sont plus celles de la première moitié du XXe siècle. Pour moi, Alain Soral (et donc E&R) s’inscrit dans une tradition révolutionnaire, tandis que Refaire la France, malgré nombre de points communs, s’inscrit tout de même dans une tradition de pensée contre-révolutionnaire (soit dit au risque d’étonner ceux qui seraient arrêtés par un certain nombre de références marxiennes dans le texte, références, d’ailleurs, plus nombreuses du côté de la réflexion économique qu’ailleurs).

L’importance, dans Refaire la France, de la thématique barrésienne de l’enracinement oblige aussi à reconsidérer ce que d’aucuns ont pu regarder comme une dérive islamophile à E&R. E&R flottait entre une dénégation laïcarde de l’importance du fait religieux (auquel, au fond, Alain Soral est presque complètement indifférent, tandis que l’on m’a fait observer, à juste titre, que la religion occupe une très grande place dans Refaire la France, même si le livre ne se réclame d’aucune) et une sorte d’espoir confus d’une renaissance qui pourrait naître d’un déferlement des « nouveaux barbares » sur l’Europe décadente. Je ne parle pas ici de la pensée des principaux cadres d’E&R à l’époque, mais d’une tendance ou d’une atmosphère qui flottait à l’état diffus dans l’association. Refaire la France, tout à l’opposé, insiste beaucoup sur l’identité catholique de la France. Sans prétendre faire un devoir à chacun de se convertir à la religion catholique — une conversion sincère n’étant d’ailleurs guère une affaire de décision personnelle arbitraire —, le livre propose tout de même à chacun de s’arracher à sa condition de déraciné en renouant sincèrement avec l’héritage des générations qui l’ont précédé — bref, au minimum, pour la plupart d’entre nous, il propose ce que j’appellerais, pour pasticher Barrès, un « catholicisme de la terre et des morts », c’est-à-dire au minimum un profond amour de la culture catholique de la France, une émotion devant l’Église qui devrait être au moins celle que l’on ressent devant la beauté d’une cathédrale, même quand on n’est pas croyant. Rappelons-nous les deux premières maximes des Fusées de Baudelaire :

« Quand même Dieu n’existerait pas, la Religion serait encore Sainte et Divine.

Dieu est le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin d’exister. »

Voilà pour les différences profondes qui pourraient démarquer l’organisation qui reste à construire de l’ancienne E&R dont elle serait en quelque sorte héritière. Bref, je l’envisage plus comme un prolongement et un approfondissement de ce qui a été essayé à E&R, que comme une répétition de ce qui a échoué dans les formes mêmes qui ont occasionné l’échec.

L’un des maux essentiels de la société moderne réside dans la rupture de transmission. Etes vous un héritier politique, et si oui, de qui ?

Je crois avoir déjà répondu à cette question, mais il est vrai que la réflexion dont Refaire la France est un petit abrégé se situe à la confluence de très nombreuses influences, ou plutôt est le fruit me semble-t-il assez neuf d’une réflexion nourrie de nombreux auteurs dont certains sont assez anciens.

L’auteur le plus cité dans le livre est Barrès. En second viennent Maurras et… Spinoza, pour des raisons qu’il serait difficile d’expliquer ici. Cela dit, l’arrière-plan philosophique du livre s’inscrit dans ce que l’on pourrait appeler la grande tradition de métaphysique occidentale qui va de Platon et Aristote aux principaux penseurs de la Renaissance en passant par la grande scolastique chrétienne du moyen âge, et qui se relance d’une certaine façon dans la pensée spéculative de l’idéalisme allemand, notamment chez Hegel. Mais c’est une infrastructure conceptuelle qui est soigneusement camouflée dans Refaire la France, qui se veut accessible à des lecteurs sans formation supérieure du côté des Humanités.

Parmi les vivants, le seul maître que je me reconnaisse est Pierre Magnard, même si je ne cite de lui qu’un livre essentiel, mais qui ne donne pas la pleine mesure de sa pensée : Pourquoi la religion ?. Je dirais que Refaire la France est un peu l’application politique de ce que j’ai compris de Pourquoi la religion ?, soit dit sans aucunement engager son auteur qui n’a sans doute pas lu Refaire la France !